Meeting Syndical FNSEA / JA : Discours de Bernard de Verneuil
Chers amis
Je tiens tout d’abord à excuser le Président de la FOP qui n’a pas pu se joindre à nous aujourd’hui mais qui m’a demandé de vous transmettre toutes ses amitiés et sa sympathie. La moisson qui s’achève a été particulièrement difficile pour nous, producteurs de grandes cultures, et ce, quelles que soient nos régions et nos productions.
- En colza, les rendements très contrastés selon les régions sont particulièrement faibles pour la moitié Nord.
- Pour les protéagineux, singulièrement les pois d’hiver et féveroles, les rendements sont historiquement bas.
- Enfin, les fortes chaleurs de ces derniers jours font peser une épée de Damoclès sur la moisson des tournesols et du soja.
2016 sera d’autant plus compliqué que ce sera, pour un très grand nombre d’exploitations, la quatrième année sans revenu. Les producteurs d’oléagineux et de protéagineux n’échappent pas à cette crise aux multiples causes. Une crise qui affecte donc toute l’agriculture et qui laisse nos trésoreries exsangues.
Face à cette épreuve économique et humaine pour les producteurs, que faire ?
Se résigner, baisser les bras ou comme certains autres syndicats ou acteurs politiques tomber dans la démagogie, les anathèmes… Ou bien se retrousser les manches, être volontariste et assumer ses responsabilités, toutes ses responsabilités, y compris dans les moments les plus difficiles?
A la FOP, nous sommes comme vous toutes et tous, fortement attachés aux valeurs du syndicalisme, à la force de l’action collective. Nous sommes convaincus que ce n’est qu’en agissant ensemble que nous trouverons de vraies solutions et ce, comme nous l’avons toujours fait depuis le serment de l’unité paysanne et la création de la FNSEA.
Car, qui pourrait croire que, sans la FNSEA, nous pourrions nous en sortir ? C’est grâce à la FNSEA, à ses FRSEA, à ses FDSEA, à ses hommes et ses femmes qui s’engagent au quotidien pour promouvoir la diversité de nos métiers et faire gagner les paysans, que s’est construite la performance de la ferme France et fait de l’agriculture un secteur prépondérant pour l’économie et la vitalité de nos territoires.
Il en est à la FOP de même que dans toutes les autres AS : même au plus profond des crises, nous savons que notre organisation collective, notre organisation économique peut être porteuse de solutions, d’espérances et d’avenir.
Toutefois, l’organisation économique ne peut être à elle seule l’alpha et l’omega de la politique agricole de demain, une politique dont les contours se dessinent petit à petit mais de façon inéluctable. Alors, soyons clairs, autant il est possible pour des producteurs de s’organiser, autant cela devient impossible dès lors que le cadre change constamment. L’économie, ce n’est pas de l’idéologie. L’environnement, ce n’est pas de la démagogie. Le réel l’emporte sur le virtuel : nous sommes des chasseurs de production et non de Pokemon.
Cela sous-entend que nous devons construire la performance de demain avec nos partenaires des autres organisations professionnelles membres du CAF mais aussi avec les Pouvoirs publics. Ces derniers ont un rôle essentiel et doivent être nos partenaires plutôt que nos adversaires. Dans ce cadre, à la FOP, nos demandes s’articulent autour de trois axes :
A très court terme : le rôle des Pouvoirs publics en lien avec nos partenaires du CAF
Des aides immédiates pour pouvoir sortir la tête de l’eau
- Le soutien de la trésorerie par le biais de prêts exceptionnels de l’ordre de 30 à 50 000 euros sans intérêt pour financer la nouvelle campagne
- Une aide spécifique aux JA permettant par exemple d’annuler les intérêts des emprunts
- La mise en place d’un vrai plan de relance des protéines végétales en France, doté de façon équilibrée entre les secteurs animal et végétal et suffisamment ambitieux pour répondre aux attentes fortes de marchés demandeurs
- L’allègement des charges et des normes. Il faut une démarche pragmatique face aux défis environnementaux en veillant à ce que la pertinence d’objectifs affichés soit compatible avec la réalité des pratiques agricoles. Les facteurs de production doivent demeurer accessibles tant que d’autres solutions tout aussi efficaces n’auront pas été trouvées
L’ensemble de ces mesures doit être repris dans le plan d’urgence sur lequel le Ministre s’est engagé.
A moyen terme : le rôle des Pouvoirs publics dans le cadre de la clause de rendez-vous ou de la réforme de la PAC
La gestion des risques et la sécurisation des marchés
- La pérennité de l’aide couplée pour le soja de façon à accompagner son essor et la constitution de filières locales, source d’emplois et de création de richesses
- Des mécanismes permettant de sécuriser le revenu en faisant face aux imprévus qui seront chaque fois plus fréquents. Il faut donc une DPA plus souple d’accès et simplifiée dans sa mise en œuvre
- Il faut aussi des mécanismes d’assurance adaptés et novateurs, prenant par exemple en compte le chiffre d’affaires
- Il faut enfin affirmer la légitimité de la contractualisation. Elle permet une juste répartition de la valeur ajoutée entre tous les acteurs dès lors qu’elle est librement négociée entre toutes les familles dans le cadre d’interprofessions fortes et structurées : c’est ainsi qu’on passe d’une intégration injuste car subie à une contractualisation juste car choisie
En résumé, si nous sommes prêts à affronter la concurrence, encore faut-il que ce soit à armes égales et que soit favorisé le recours aux productions françaises en France. La prochaine réforme de la PAC doit le permettre.
A plus long terme : le rôle des Pouvoirs publics dans le cadre de l’essor d’une vision d’avenir
Mettre l’accent sur la recherche et l’innovation ainsi que sur la conquête des marchés
- La pérennité des débouchés, notamment en ce qui concerne les biocarburants en général et le biodiésel en particulier. Les attaques répétées et les approches doctrinaires encouragent les amalgames faciles qui sont pour nous autant de handicaps qui nous obligent à réduire la capacité de sites ou de fermer des usines, donc à détruire de l’économie et de la richesse. Cela impacte aussi la production de tourteaux français, de qualité et tracé, alors même qu’ils sont essentiels aux productions animales. Surtout, à l’heure où la rotation des cultures et la diversification des assolements sont plébiscitées, il conviendrait que dans ce pays enfin, un Ministre quel qu’il soit comprenne qu’il ne peut y avoir de production sans débouché qu’il soit local, régional, national ou européen. Alors ras le bol d’inscrire les objectifs d’incorporation dans une surenchère baissière et n’encourageons pas la production de biodiesel à base d’huile palme au détriment de nos productions oléagineuses françaises
- Accompagner l’émergence de projets avec le soutien de la BPI et en favorisant quand cela est possible les partenariats publics / privés ou en renforçant l’attractivité de certains dispositifs favorables à l’investissement
- Reconnaitre aux Instituts techniques la place qui est la leur en termes d’expertises et en faire des interlocuteurs incontournables
- Accompagner les politiques en faveur de la formation des hommes et de la recherche scientifique en utilisant bien mieux les dispositifs européens
En résumé, sacrifier les financements liés à la recherche et au développement est une manière rapide de faire des économies tout en évitant les soucis immédiats. Mais c’est aussi sacrifier notre avenir. Ce que nous refusons.
Mes chers amis, à la FOP comme ailleurs dans les AS ou les FD, nous avons envie d’entreprendre et envie d’être acteurs économiques dans notre pays et auteur de son équilibre social et territorial. Si nous avons du pétrole vert, nous avons aussi des idées et des projets. Nous voulons une agriculture qui nourrisse les Hommes et fasse grandir la France. Si nous sommes là, c’est pour le clamer et haut et fort et dire aussi que cela ne peut être possible qu’avec un syndicalisme puissant car unitaire.
Alors Xavier, je te réaffirme, au nom de la FOP et des producteurs d’oléagineux et de protéagineux, tout notre soutien et notre confiance et sache que l’on sait pouvoir compter sur toi comme tu sais pouvoir compter sur nous.
Seul le discours prononcé fait foi