La FOP se penche sur l’organisation des filières au regard des enjeux agricoles mondiaux
C’est à l’occasion d’un déplacement de son conseil d’administration à Toulouse que la FOP a organisé une matinée d’informations et d’échanges afin de débattre de la capacité qu’ont les acteurs économiques à répondre aux défis des marchés mondiaux en s’inscrivant dans des logiques de filières.
Comment s’assurer de la pérennité de la culture de soja en région Occitanie qui y trouve toute sa place comme l’a rappelé au préalable Christian Mazas, le Président de la FDSEA de Haute Garonne, mais aussi en France alors qu’elle s’inscrit dans un contexte mondial extrêmement concurrentiel au sein duquel notre production n’a que peu de poids. C’est par cette problématique qu’ont été initiés les débats et ce fut l’occasion pour Antoine Henrion, Président de Terres Univia de présenter l’action engagée par l’interprofession des huiles et protéines végétales, celle visant à structurer de manière pérenne la filière soja sur le territoire français, de la semence au produit soja vendu, tout en sécurisant ses capacités de production et en répondant aux demandes croissantes de qualité, de traçabilité et de durabilité. L’objectif affiché est ambitieux mais réaliste : avec 250 000 hectares à horizon 2025, un soja origine France, non OGM, local et durable pourra se substituer aux 500 000 tonnes de tourteau de soja non OGM qui sont importés actuellement. Toutefois, il a bien été rappelé que si la profession agricole peut s’organiser pour impulser cette démarche, encore faut-il qu’elle puisse disposer d’un cadre politique et réglementaire adéquat, les représentants locaux soulignant à cette occasion la problématique de l’accès à l’eau et de l’irrigation dans la région Occitanie. C’est aussi dans ce cadre que Jean-Louis Cazaubon, représentant le Conseil Régional en sa qualité de vice-président a assuré que la région était prête à accompagner le développement des filières territorialisées tout en reconnaissant que la taille de cette grande région et le poids de la structure administrative peuvent ralentir le développement de projets.
Puis ce fut au tour de trois personnalités avisées de s’intéresser à cette problématique d’ampleur : comment répondre aux défis des marchés mondiaux : alimentaires mais aussi non alimentaires en s’inscrivant dans une logique de filière. Pour Sébastien Abis, économiste et directeur du Club Demeter, si l’agriculture reste un enjeu national de première importance, elle constitue également un axe stratégique pour l’action de notre pays à l’extérieur. En contribuant aux équilibres alimentaires mondiaux, la France assure une responsabilité en matière de paix et de stabilité notamment en Méditerranée et en Afrique qui souffrent de déficits agricoles chroniques. L’’impératif alimentaire nous concerne tous quotidiennement et même si la France n’est pas en capacité seule de nourrir la planète, elle se doit d’avoir conscience de ses atouts et de son rôle dans les affaires stratégiques internationales où la question alimentaire s’avère centrale. A ce titre, les productions oléagineuses et protéagineuses jouent un rôle important et impose à chacun de raisonner « de la parcelle à la planète ». Autre vision instructive sur l’évolution des régimes alimentaires mondiaux, celle de Jean-Louis Rastoin – professeur émérite à Montpellier SupAgro et directeur de la Chaire Unesco en « Alimentation du monde ». Mettant en avant des opportunités pour les protéines végétales compte-tenu des changements de régimes alimentaires, il a plaidé pour de nouveaux modèles de production agricole durables et inclusifs ainsi que pour une démarche partenariale de coproduction et de codéveloppement de filières agroalimentaires territorialisées. Des propos partagés par Gérard Tubéry, Président d’AGROPOL, association pour le développement à l’international des oléagineux et protéagineux qui a rappelé comment la filière française des huiles et protéines végétales participe directement aux dynamiques de développement local dans les pays du Sud que ce soit pour accompagner la recherche, la formation, l’organisation de filière ou l’amélioration logistique. Sur la base d’exemples d’actions au Burkina Faso ou au Maroc et insistant sur le nécessaire assemblage entre commerce et développement, Gérard Tubéry a souligné que l’action économique prend tout sens quand elle est également au service d’un projet de développement porté par les producteurs. A ce titre, l’exemple de la filière oléoprotéagineuse comme actrice d’un développement responsable est reconnu par la FAO puisqu’elle l’a « labellisé ».
Ce fut enfin à Arnaud Rousseau, Président de la FOP et du groupe AVRIL, puis à Chrisitiane Lambert, Présidente de la FNSEA de venir conclure cette matinée riche d’échanges et de réflexions. L’occasion pour le premier de saluer l’action de ses prédécesseurs, Jean-Claude Sabin, Gérard Tubéry bien évidemment et de rendre un hommage appuyé à Xavier Beulin. Mais aussi d’insister sur quelques idées- forces en rappelant d’abord : que seule une démarche de filière allant de l’amont à l’aval offre les meilleurs garanties aux producteurs tant pour valoriser leurs productions que pour pérenniser leurs exploitations ; qu’au regard des nombreuses épées de Damoclès pesant sur la filière : baisse des taux d’incorporation des biocarburants, réforme des SIE, suppression de certaines molécules, accroissement de la volatilité, il était indispensable de sécuriser les marchés existants, rechercher de nouvelles sources de valeur ajoutée et investir fortement dans la recherche ; et de conclure en insistant sur le fait que les agriculteurs étaient prêts à se prendre en main et organiser les filières mais que cela supposait également que les nouveaux élus aux plus hautes fonctions de l’Etat réaffirment une véritable ambition pour l’agriculture tant au niveau français qu’Européen.
Une transition toute trouvée pour Christiane Lambert qui après avoir salué l’action et la réflexion prospective des responsables de la filière oléoprotéagineuse a fait part des attentes portées auprès du nouvel exécutif et du prochain Parlement, à savoir donner une impulsion réelle à un secteur économique crucial et constitutif du rayonnement français qu’est le secteur agricole. Ce qui signifie notamment mettre en place une vraie une politique d’investissement, redonner des marges de manœuvre aux agriculteurs, remettre de l’équité dans les filières, sortir de l’enfermement français sur les normes. C’est à ces conditions que les agriculteurs français pourront entreprendre et répondre aux attentes multiples des marchés locaux, nationaux et internationaux tout en satisfaisant satisfaire ainsi les attentes de la société.
Thibaut Ledermann