Entre guerre et paix
Alors que les moissons ont débuté, les interrogations sont nombreuses sur le terrain. Nous n’avons jamais autant eu le sentiment d’être abandonnés par les Pouvoirs publics, voire de n’être qu’une variable d’ajustement à la merci de stratégies politiques qui vont crescendo du fait des échéances de l’an prochain.
Rien ne nous est épargné. A la logique vertueuse que nous préconisons répond une logique politicienne qui nous affaiblit. L’approche de l’agriculture qu’ont bon nombre de responsables politiques est viciée. Ils ne considèrent plus l’agriculture comme une activité économique mais bien comme un faire-valoir des autres politiques qui, elles, sont à même de créer de la richesse. Il est donc logique pour eux que l’agriculture s’inscrive dans cette logique politicienne très souvent habillée de vert.
Je réfute cette approche. Pour moi, l’agriculture s’inscrit dans une vraie logique économique, dans une vraie logique de création de richesses, d’attractivités et de solidarités humaines. J’affirme en effet que l’agriculture est la seule activité au monde capable d’apporter des réponses à tous les enjeux et défis : au-delà des enjeux climatiques, énergétiques, environnementaux, territoriaux, sociaux, etc, c’est en effet la seule activité à être capable de nourrir les hommes. Or, l’indépendance alimentaire est bien la condition sine qua non à tout développement et, sans développement, il ne peut y avoir qu’explosion de conflits. Et bien, entre guerre et paix, j’ai choisi !
J’ai choisi et c’est pour cela que je plaide pour un vrai plan protéines en France. Demain, en France et dans le monde, nous aurons besoin de toujours plus de protéines végétales tant pour l’alimentation humaine qu’animale. Toutes les études le démontrent, tout comme elles démontrent combien nos productions oléagineuses et protéagineuses sont porteuses de solutions et indispensables dans bien des zones, dont les zones intermédiaires qui souffrent fortement depuis de longues années. Alors pourquoi les Pouvoirs publics refusent-ils d’abonder de façon significative le plan protéines et d’affecter des budgets, finalement non utilisés, à des projets sans intérêt pour les agriculteurs ?
J’ai choisi et c’est pour cela que je plaide aussi pour de vraies logiques de filières. Cette logique permet de fédérer tous les acteurs autour d’objectifs communs et d’ambitions partagées. Ce n’est qu’ensemble – producteurs, organismes stockeurs, industriels – que nous pourrons gagner. Il est fini le temps de « grand papa » où l’un pouvait gagner l’un sans l’autre ou l’un sur le dos de l’autre. La question est maintenant de définir des stratégies interprofessionnelles de conquête de marchés, de débouchés, de recherche et d’innovation.
J’ai choisi et c’est pour cela que je plaide enfin pour le renforcement de logiques communautaires et une vraie politique agricole commune. Il faut un sursaut notable suite au Brexit. L’agriculture a constitué le ciment de la construction européenne, restant longtemps la seule vraie politique intégrée. Aujourd’hui, elle a toute sa place dans la relance du projet européen. Il convient donc d’en définir un nouveau qui ne peut être celui « d’avant » car rien ne peut plus être comme avant. Ce projet doit apporter de vraies réponses aux légitimes attentes des producteurs qui savent qu’ils doivent s’adapter à une nouvelle donne mais qui attendent, au-delà de mesures accessibles, de la considération et de la reconnaissance. Nous sommes prêts à relever le challenge. Aux Pouvoirs publics maintenant d’assumer aussi leurs responsabilités.
Gérard TUBERY